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Léonard de Vinci, l’enfance d’un génie

Texte de Brigitte Kernel et Sylvia Roux, adapté du roman de Brigitte Kernel – mise en scène Stéphane Cottin – jeu, Grégory Gerreboo – au Studio Hébertot.

XVème siècle. « Je m’appelle Léonard, je suis Italien et j’ai neuf ans depuis deux semaines. » Ainsi commence le récit. Sur le plateau, un acteur seul en scène, assis sur un grand livre d’or (Grégory Gerreboo). Autour de lui, des acteurs de bois qu’il fera vivre, mannequins articulés pour l’apprentissage du dessin, de différentes dimensions : l’un, de la taille d’un adulte, sera le père de Léonard portant la couronne de notable, puis sa mère, Caterina au voile de Vierge Marie, fille de paysans, répudiée car sans fortune ; un mannequin de la taille de Léonard enfant, et de tous petits mannequins qui symboliseront ses demi-frères et sœurs. Belle idée, on est dans l’univers du dessin (scénographie Sophie Jacob, Stéphane Cottin).

Avant que d’être grand, Léonard fut petit, on le suit quelques années et on assiste, au-delà de ses errances familiales, à la naissance de sa vocation, par sa curiosité et sa sensibilité aiguës. On est aussi témoin de ses chagrins d’enfant : arraché à sa mère après sevrage et vivant quelque temps chez son père, un notaire arrogant et autoritaire surnommé Tyranno, il y fut traité de bâtard. Parti à la recherche de sa mère, remariée, dont il se souvient par la douceur, il trouve la maison et ses cinq demi-frères et sœurs, submergés de pauvreté, pour repère un bel arbre devant la maison. Il reviendra avec des paires de chaussures fabriquées avec son grand-père pour chacun d’entre eux, et pour sa mère dont il a remarqué les pieds non protégés.

Démonté par les colères de son père qui ne l’a jamais reconnu – Léonard porte le nom de son lieu d’origine, Vinci – et malgré l’attention de sa belle-mère, Albiera il s’enfuit et se réfugie chez son grand-père qui lui apporte la vérité sur ses origines. Ces révélations le torturent mais l’éclairent et la figure du grand-père devient décisive pour lui. Les liens qu’ils tissent ensemble lui apportent chaleur et créativité. Léonard se nourrit de tout ce qui l’environne, puise dans la nature – la Toscane à la lumière singulière et aux orangers, le chant des oiseaux – et dans l’observation des visages. Par sa disponibilité, le grand-père répond à ses demandes et lui ouvre tous les horizons. Léonard fait l’étonnement de tous par sa précocité et son intelligence. Il y a de la graine de génie, déjà. Il s’initie à l’anatomie, dessine des chauve-souris et des animaux fantastiques, puis les villageois de Vinci, et cherche à comprendre le fonctionnement des choses : les roues, le feu, le vélo, l’hélice, le cerveau, les statues grecques aux figures mythiques. Tout l’intéresse. Il a le projet de voler, dessine le premier parachute et imagine déjà des machines volantes.

Le virage se fait au moment de sa rencontre avec Andrea del Verrocchio, artiste renommé très éclectique, aussi bien orfèvre et forgeron que peintre et sculpteur et qui travaille dans les chapelles aux fresques, statues et retables commandés par de riches mécènes. Verrocchio l’initie au fusain et devient son Maître, lui montre la recherche des pigments, comme l’azurite et toutes sortes de techniques artisanales et artistiques. A partir de cette rencontre se dessine l’avenir de Léonard, basé sur son talent hors norme et son excellence, tant dans la réflexion que dans la réalisation d’œuvres. Il est inventeur, peintre, musicien joue du clavecin en autodidacte, cherche le modèle de la femme idéale, sa Gioconda, pose la question du genre et celle de la protection des œuvres.

Cet immense livre posé au sol, fermé au début du spectacle, s’est très vite ouvert et transformé en cahier de dessins et journal confident où Léonard consigne ses chagrins d’enfant et pratique l’écriture en miroir, où il dessine toutes ses esquisses et réalise des expérimentations graphiques. Le procédé de l’infographie, fort bien utilisé ici sert le propos de mise en scène posé par Stéphane Cottin et soutient l’acteur qui interprète avec fluidité tous les rôles et prend le spectateur par la main. Une voix off complète avec justesse les traits de la biographie, accompagnée d’intermèdes musicaux pour flûte à bec et cordes.

Devenu l’archétype de l’homme de la Renaissance, Léonard de Vinci construira sa brillante carrière artistique entre invention et création. C’est ce génie hors pair dont on fête le cinq-centième anniversaire de la mort, pour lequel il est intéressant en termes d’introduction, de se pencher sur le berceau.

Brigitte Rémer, le 20 novembre 2019

Avec Grégory Gerreboo, et la voix de Lisa Schuster – scénographie Sophie Jacob, Stéphane Cottin – lumière Marie-Hélène Pinon – costumes Chouchane Abello-Tcherpachian – son Cyril Giroux – Le roman de Brigitte Kernel, Léonard de Vinci, l’enfance d’un génie, est publié aux éditions Leduc.s

A partir du 9 novembre 2019, le samedi à 17h – Spectacle tout public – Studio Hébertot, 78 boulevard des Batignolles. 75017. Paris – métro : Villiers, Rome – site : www.studiohebertot.com – tél. : 01 42 93 13 04.